FUIR
Va, cours, vole et nous venge (Corneille, le Cid)
Fuir, fugue locomotrice d’un train mélancolique
Engoncée dans le froid des vieux fauteuils qui skaïent
J’ai vu Le Caravage, les chiens de Dubrovnik
Dans mon histoire de l’art les raccourcis déraillent
Je ne peux dire j’y suis quand je n’y étais pas
Quand vous portiez en terre les os de la famille
Ma mère ma mère ma came tu m’appris le soleil
Quand tout était dans l’ombre, la vieille nuit
Je voulais voir encore
Descendre encore
Plus bas
Plus au sud de ma voie
Tout au fond c’est la mer
Et j’y plonge en courant
Cherchant sans le savoir la rumeur océan
Ma mère ma mère ma came on dit la mère patrie
Patrie pays du père,
On se créé son désert
A force de ruptures
On se crée sa cabane
A force de cassures
On se crée son histoire
A force de violence
On se crée des regrets
A force d’expérience
Son relief inédit, son corps-topographie, sa butte butée caveau malédiction d’égo décalage de tempo, ignorance à bon dos, docile et sans cervelle, avançant en zigzag dans la moindre ruelle,
J’ai vu jusqu’à ce que je ne sache plus quoi regarder.
J’ai vu jusqu’à garder les yeux fermés.
Peur d’aller plus loin, peur d’un retour sans fanfares.
Peur d’un retour, de retrouvailles dans cette gare
Tout est pareil
Tout est pareil qu’avant
Rien n’a changé n’est-ce pas, à part ces cheveux blancs
Ma mère ma came
Madame
Vous vous souvenez, de moi, un peu ?